Prague divisée sur un projet d'architecture place Venceslas

La rédaction
0
AFP - Un débat fait rage à Prague sur la démolition envisagée d'un immeuble historique pour construire à sa place un colosse commercial et administratif en verre et acier, qui risque de dégrader fortement l'image de la ville aux cent tours.

"Sous le communisme, il était impossible de protester. Mais aujourd'hui, le résultat est presque le même, la barbarie est toujours présente", martèle Katerina Beckova, présidente du Club du vieux Prague.

Cette association fondée en 1900 oeuvre pour préserver le charme d'antan de la cité, mélange pittoresque de styles architecturaux, roman, gothique, baroque, rococo, Art nouveau et cubiste.

Classé au patrimoine mondial de l'UNESCO, elle reçoit chaque année des millions de touristes.

Mais la ville qui a miraculeusement échappé aux destructions de la Seconde guerre mondiale, fait face à de nouveaux dangers, craignent ces défenseurs du patrimoine.

Le club du vieux Prague se mobilise en particulier pour la sauvegarde d'un édifice administratif de cinq étages, doté d'une façade mariant les styles art déco et néoclassique des années 1920, au bord de la Place Venceslas. Son propriétaire veut le remplacer par un immeuble à neuf étages et trois niveaux de garages souterrains.

"Si le projet est réalisé, le Rubicon sera franchi. Il s'agit d'un précédent trop dangereux: si l'investisseur réussit à faire tomber cet édifice, la même chose sera possible dans la rue d'à côté ou n'importe où ailleurs", avertit l'architecte Tomas Vich. "C'est ouvrir la boîte de Pandore".

L'édifice menacé est situé à proximité du Musée national et de l'imposante statue équestre de St Venceslas, lieu emblématique voire sacré pour les Tchèques. C'est ici qu'ils acclamèrent l'indépendance du pays en 1918 et la "Révolution de velours" sept décennies plus tard. C'est ici que l'étudiant Jan Palach s'immola en 1969, pour protester contre l'occupation soviétique.

Peu enclins d'habitude à descendre dans la rue, les Pragois ont déjà manifesté à cinq reprises pour sauver le Numéro 47 de la Place Venceslas, la principale artère de la ville. Ni la transformation d'une ancienne église en cabaret de strip-tease, ni la reconstruction ratée d'un pont médiéval n'ont donné lieu dans le passé à une telle mobilisation citoyenne.

"Le nouveau projet n'est qu'une ossature, un immeuble sans espaces définis qui pourraient ainsi être loués à n'importe qui. Pour les promoteurs immobiliers, ce sont les mètres carrés sur une bonne adresse qui comptent", argue M. Vich.

Quelque mois avant sa mort en 2011, l'ancien président tchèque Vaclav Havel, ancien dissident très respecté, avait condamné le projet, qualifiant de "monstre" l'immeuble envisagé.

Le vice-président du Club du vieux Prague, Richard Biegel, n'hésite pas à comparer les centres commerciaux nouvellement construits à une "tumeur sur le corps de la ville". Il y a de la place dans le vieux Prague pour une nouvelle architecture, admet-il, "mais décidément pas à la place d'immeubles anciens de valeur".

La démolition a été autorisée par la commission chargée des travaux de construction du 1er arrondissement, après que le ministère de la Culture eut refusé à l'immeuble le statut de monument classé. Les adversaires de la démolition ont déposé un recours et redoublent d'efforts.

"Il est en bon état. Je ne vois aucune raison pour qu'il disparaisse", déclare à l'AFP Eva Simova, 50 ans, qui avait travaillé dans l'immeuble comme employée il y a un quart de siècle.

D'autres sont moins convaincus: "On ne pourra plus jamais construire rien de nouveau?", rétorque une autre Pragoise quinquagénaire, Jana Souckova.

La porte-parole de la mairie du 1er arrondissement de Prague, Veronika Blazkova, défend la démolition. "Le bâtiment date du XXe siècle. Nous ne pensons pas que sa disparition soit une grande perte, sa valeur n'est pas si importante", affirme-t-elle.

Selon l'investisseur, le Britannique James Woolf de la société Flow East, l'architecture de l'immeuble est "banale", tandis que son projet, visible sur le site internet http://www.vn47.cz, est "exceptionnel" et apporte une "nouvelle valeur ajoutée".

"C'est à l'Etat de trancher", souligne Mme Beckova, assurant que les amis du vieux Prague "continueront à se battre jusqu'au bout".




Source du texte: www.france24.com

Enregistrer un commentaire

0Commentaires

Veuillez laisser ici votre commentaire, sinon vous pouvez poster dans notre page facebook: http://www.facebook.com/journal3.net

Enregistrer un commentaire (0)
Vidéos Téléchargements