Artistes exposés | exhibited artists :Joseph Barbiero, John Devlin, Janko Domsic, Jill Gallieni, Nina Karasek Aka Joële, Raphaël Lonne, Jean Perdrizet, Patricia Salen, Ionel Talpazan, Melvin Way, George Widener, Adolf Wölfli, Henriette Zephir.
"The trace is the manifestation of a proximity, however far that which left it may be. The aura is the manifestation of a distance, however close that which gives rise to it may be. With the trace, we can grasp the object; with the aura, the object dominates us.” In a few lines, Walter Benjamin points us to our relationship with art – from its production to the experience of it – but also to its creation. Here, the notions of aura and distance echo the concept of “disturbing strangeness” that was dear to Freud.
How indeed do we qualify the secret and intimate mechanisms that push Man to try to resolve his metaphysical wanderings through the fabrication of transitional sacred objects? By theorizing outsider art (art brut) by measuring its supposed territory, Dubuffet had, without realizing it or without saying so, come close to the same terrain. But while he seems to want to isolate the artist or the creator in his practice by insisting on his autonomy with respect to “cultural” production – referring to works born “of their own foundation” – Benjamin re-establishes the artist in his own nature, the human-condition confronted with its mysteriousness. Nevertheless, the great achievement of Dubuffet is still that he knew to highlight – by naming them – the productions that, even nowadays, refer to this originary process: a process that goes beyond traditions, beyond collective norms, but is ontologically inseparable. The creators of outsider art that we have gathered here strikingly illustrate this distance, which is yet so close. What they all have in common is that they wanted to make their world more “inhabitable” by at times invoking other worlds. And by wanting to flesh out their distance, they open the doors to our own.
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"La trace est l’apparition d’une proximité, quelque lointain que puisse être ce qui l’a laissée. L’aura est l’apparition d’un lointain, quelque proche que puisse être ce qui l’évoque. Avec la trace, nous nous emparons de la chose ; avec l’aura, c’est elle qui se rend maîtresse de nous". En quelques lignes, Walter Benjamin nous renvoie à notre rapport à l'art - de sa production à son expérience - mais également à sa genèse. Les notions d'aura et de lointain faisant ici écho à "l'inquiétante étrangeté" chère à Freud.
Comment qualifier, en effet, les mécanismes secrets et intimes qui poussent l'Homme à vouloir résoudre ses errances métaphysiques par la fabrication d'objets transitionnels sacrés ? En théorisant l'art brut, en en arpentant le territoire supposé, Dubuffet avait abordé, sans le savoir ou sans le dire, les mêmes contrées. Mais là où ce dernier paraît isoler l'artiste ou le créateur dans sa pratique en insistant sur son autonomie par rapport aux productions dites "culturelles" - parlant d'œuvres issues "de leur propre fond" - Benjamin resitue l'artiste dans sa nature, dans sa condition d'Homme confronté à son mystère. Néanmoins, le grand mérite de Dubuffet reste - en les nommant - d'avoir su mettre en lumière les productions qui, de nos jours encore, référent à ce processus originel. Un processus par-delà les traditions, par-delà les usages collectifs, mais ontologiquement indissociable. Les créateurs d'art brut que nous avons réunis ici illustrent de façon saisissante ce "lointain" si proche pourtant. Tous ont en commun d'avoir voulu rendre leur monde plus "habitable", en en appelant parfois à d'autres mondes. Et en voulant donner corps à leur lointain, ils nous ouvrent les portes du nôtre.