Carrefour: Définition de l'Art Urbain

La rédaction
«Au carrefour se nouent des relations humaines, s’affrontent des idées, entrent en contact civilisations et cultures, car c’est le lieu du choix, où l’on prend une décision.»

Roger Brunet, Les mots de la géographie
« Les nœuds sont les points focaux et stratégiques dans lesquels un observateur peut pénétrer, et les principaux types en sont soit les points de rencontre de voies, soit des concentrations de certaines caractéristiques. »
Kevin Lynch, L'image de la Cité

Le carrefour est un « nœud » de communication dans l’espace habité. C’est un lieu, relativement plus large qu'un simple croisement, où se rencontrent plusieurs routes, chemins, rues, etc. venant de directions contraires.

Le carrefour traduit le croisement de populations, d’usages, de pratiques, de fonctions, d’itinéraires, de circulations. De croisement à place, rond- point puis giratoire, le carrefour a su s'adapter aux mutations urbaines.

Pendant l'Antiquité et le Moyen Âge, la trame orthogonale ordonnait la majorité des tracés d'aménagement (centuriation, villes coloniales, bastides, etc.). Pour la centuriation on se réfère à deux axes principaux, le cardo et le decumanus, qui se croisent en un point considéré comme la centralité, le croisement de base, le carrefour de la colonie (V. Repère).

À la Renaissance apparaît une organisation rayonnante de l'espace, qui tranche avec le quadrillage des voies : on assiste à l'émergence du motif de l'étoile dans les cités idéales (1). Aux XVIe et XVIIe siècles, la ville de Rome semble être la première transformée par des motifs rayonnants. Le plus célèbre est celui de la Piazza del Popolo avec son trident et son obélisque (2).

En France, au XVIIe siècle, l'application des tracés rayonnants est généralisée dans les forêts et jardins. Elle précède l'introduction en ville qui s'effectuera au XVIIIe siècle. L'axe des Champs-Élysées illustre de manière emblématique cette transposition (V. Perspective monumentale).

La ville des Lumières avec les « embellissements » va ordonner et mettre en scène l'ouverture de ses portes sur la campagne environnante dans de grandes perspectives paysagères. On assiste au remplacement des remparts par de grands boulevards. L’application urbaine des motifs rayonnants répond à une double préoccupation : mettre en scène l’espace urbain et libérer le flux des voitures. Se pose alors le problème de la rencontre des voitures aux intersections, où le rond-point et l'îlot central seront déclinés. Ils constituent le point de fuite des perspectives et le centre d’une vue panoramique. L'îlot central reçoit divers édifices qui marquent la perspective sans l’obstruer : fontaine, obélis- que, colonne, square (7). Les voitures sont amenées à ne pas couper la place-carrefour mais à tourner autour de l’îlot central. Aucun sens ne leur est imposé.

Le Paris haussmannien révèle de nouvelles dimensions de voirie où les carrefours sont perçus comme de « vastes îlots refuges circulaires se découpant, célibataires, sur une surface ouverte désormais abandonnée aux véhicules » (3).

Le problème de la circulation en ville devient incontournable et notamment la question des trajectoires des véhicules. Cerda, à l’occasion du concours pour l’extension de Barcelone, évoque la possibilité d’échapper à la forme du rond-point et crée des refuges piétons (4).

Un quart de siècle plus tard, Camillo Sitte entreprend une critique radicale de la qualité formelle des ronds-points et montre à quel point ils ne s'intègrent pas à la composition urbaine. En 1906, Eugène Hénard recommande l’usage des pans coupés (V. Angle de deux voies), le carrefour à voies superposées et propose « la solution générale, simple et élégante du carrefour à giration » (5 / 6).

Le concept du carrefour à giration consiste à empêcher les voitures de passer aux points de conflits en mettant un obstacle et à imposer un sens unique de circulation. Jusqu’au début du XXe siècle les problèmes posés par la circulation provenaient de la grande diversité des moyens de transport. L’introduction massive de l’automobile durant l’entre-deux-guerres bouleverse en profondeur la conception du trafic et amène au premier plan la question de la vitesse, notamment à l’échelle territoriale (8). Pour Le Corbusier l’avènement de la circulation automobile appelle une rupture radicale avec les formes urbaines anciennes. Le carrefour est alors appréhendé comme un dispositif relevant purement de l’ingénierie routière. Voué à organiser le croisement des flux de transit, il se voit exclu de la sphère de l’habitation conformément aux préceptes de l’urbanisme fonctionnaliste de la Charte d’Athènes. L'invention d'Hénard sera reprise jusque dans les années trente. 

Cependant, les carrefours à giration vont montrer leur propre limite dès le milieu du siècle face à une circulation automobile toujours plus intense. Ainsi, la règle de priorité à droite instaurée alors sur tous les carrefours entraîne leur blocage par les files d'attente créées. En Grande-Bretagne, les « roundabouts » ont continué à se développer. Les expérimentations menées dans les années soixante sur l’idée de donner la priorité aux véhicules circulant sur l’anneau ont trouvé un écho en France dans les années soixante-dix.
Cette petite modification, inscrite dans le décret de 1983, a produit une explosion de la création d'échangeurs routiers en zone périurbaine et de carrefours giratoires en zone urbaine : environ vingt mille réalisés en vingt ans.

Ainsi abandonné exclusivement aux mains de l'ingénieur, le dispositif a gagné en efficacité circulatoire mais sa capacité à répondre globalement aux préoccupations architecturales et urbaines s'est réduite.
Les critiques portent alors sur la segmentation du territoire, l'inaccessibilité de l'espace aux piétons ou encore le coût (150 000-800 000 euros en moyenne). Uniquement axé sur la circulation, niant l'espace environnant, le giratoire devient une entrave à l'animation urbaine, à l'inverse des ronds-points « à l'ancienne », parfois assimilés à des places qui s'inscrivent dans une composition urbaine (9).

En Hollande, au Danemark et en Allemagne, des expérimentations sont faites pour développer des techniques capables d'associer piétons et circulations motorisées seulement en marquant le sol ou en y changeant le revêtement. Ainsi, le carrefour est matérialisé par une mise en relief (10).
En France, ce principe a été repris avec le développement de giratoires de faible emprise au sol : carrefours semi-franchissables, carrefours-tramways et mini-giratoires (11). Les mini-giratoires ont un îlot central franchissable, qui répond aux exigences de giration des  grands véhicules. Cela permet de réduire considérablement l'emprise nécessaire et évite tout obstacle visuel (12 / 13).

À l'avenir, la réinterprétation du carrefour comme place publique devra conduire les responsables du projet à concilier divers modes d'usage (tramways, bus, cyclistes, piétons, véhicules, etc.) avec une attention pour la personne handicapée. Ainsi, la voirie et le cadre du carrefour relèveront d'un projet d'ensemble correspondant à un retour à la composition urbaine.

V. ANGLE DE DEUX VOIES, BOULEVARD, CENTRALITÉ, FENÊTRE URBAINE, FONTAINE, HORLOGE PUBLIQUE, PLACE PUBLIQUE, PERSPECTIVE MONUMENTALE, REPÈRE.

Source: Arturbain.fr
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