Rue: définition de l'Art Urbain

La rédaction
"L'enceinte des murs étant faite il faut tracer les places des maisons et prendre les alignements des grandes rues et des ruelles selon l'aspect du ciel le plus avantageux. La meilleur disposition sera si les vents n'enfilent point les rues, parce qu'ils sont toujours nuisibles, ou par leur froid qui blesse, ou par leur chaleur et leur humidité qui corrompt..."
Vitruve, Livre I, Ch. VI 

Rue: « Du latin ruga, ride : voie bordée, au moins en partie, de maisons, dans un bourg, un village ou une ville, et souvent identifiée par un nom. » 
Le terme a fait naître nombre d'expressions telles que : « courir les rues », « être à la rue », « enfants des rues », « avoir pignon sur rue » , etc. (Le Robert).

Voie aménagée dans un ensemble urbain entre les propriétés closes, respectant le plus souvent un alignement et comprenant une chaussée, réservée aux véhicules, bordée de part et d'autre de trottoirs à l'usage des piétons.

Vitruve, un siècle av. J.-C., constitue la première référence théorisée en architecture qui préconise la composition des rues à partir d'un octogone permettant de pallier les effets de huit vents dominants. Il aboutit à une combinaison de huit voies alignées qui délimitent des parcelles rectangulaires suivant une trame orthogonale (1).

Les tracés romains sont organisés suivant un maillage orthogonal (2), le cardo et le decumanus étant les deux rues principales nord/sud et est/ouest.

Au XIIe siècle, la rue Neuve-Notre-Dame, mesurant 7 m de large, est la plus large de Paris, les rues médiévales étant étroites et sinueuses. Comme le souligne l'expression « tenir le haut du pavé », elles sont formées de deux plans inclinés vers un caniveau central (3). Équipées d'arca- des, elles sont en partie couvertes de saillies en façade.

Avec la Renaissance, suivant de nouvelles normes tech- niques et esthétiques, elles redeviennent, comme le souligne F. Choay, « plus larges, rectilignes, bordées d'immeubles aux façades alignées et uniformes » (4).

À Paris, sous Henri IV, apparaît le premier éclairage public. Sully intervient sur le profil en travers des rues, en promulguant un édit interdisant les « saillies et avancées » sur les façades donnant sur rue.

Au XVIIIe siècle, la fonction circulatoire devient peu à peu prépondérante. En 1768, les rues parisiennes sont marquées, numérotées et munies de trottoirs (1781). Réglementairement, la rue doit répondre à certaines règles de prospect et d'ali- gnement. Le rapport H/L (hauteur de l'immeuble sur la voie sur la largeur de celle-ci) est instauré en 1784. Toute nouvelle rue passe à 12 m (2 + 8 + 2).

En amplifiant les principes classiques, Haussmann ré- organise Paris de 1853 à 1869, afin de répondre aux besoins de circulation, d'hygiène et de sécurité. Les voies urbaines accueillent désormais toutes sortes de réseaux techniques et la chaussée revêt un aspect bombé (5). La rue haussmannienne se caractérise par une hauteur constante des immeubles sur voie de 17,55 m, valeur établie depuis 1784. Seule la largeur varie.
En 1867, Cerda présente, pour la ville de Barcelone, un projet fondé sur l'urbanisme de réseau. Il hiérarchise les voies urbaines suivant leur fonction. Son plan, fondé sur une trame systématique, distingue l'espace de l'îlot de celui de la rue. Il détaille l'implantation des arbres et du mobilier urbain aux carrefours (6). Hénard, plus tard en 1910, préconisera en particulier des immeubles à redans destinés à agrémenter le paysage des voies (7) et sera le précurseur de la rue moderne.

Le développement des moyens de locomotion, à partir du XXe siècle, révolutionne le traitement architectural de la rue. Un nouveau décret instituant pour des raisons d'hygiène le rapport H = L , en rupture complète avec l'ancien décret prescrivant une rue de 6 m de large (A). Dès 1902, le plafond maximal des hauteurs des batiments est fixé à 32 m. La morphologie de la rue évolue et aboutit à une séparation des fonctions piétons/véhicules.

À cette époque, la question du paysage et du pittoresque de la rue est aussi abordée par C. Sitte puis R. Unwin. Ils traitent, entre autres, des thèmes tels que les croisements, le cadrage des perspectives et les tracés courbes ou rectilignes. La rue apparaît comme une œuvre que l'on met en scène en fonction de situations urbaines particulières (V. Fenêtre urbaine) (8).

Le Corbusier (1887-1965), représentant du Mouvement moderne, préconise la suppression de la « rue-corridor », symbole d'archaïsme. Pour lui, « les rues ne doivent plus exister, il faut créer quelque chose qui les remplace ». Il détourne le terme rue de son sens traditionnel pour dénommer ainsi une galerie intérieure et commerçante au cœur de grandes « unités d'habitation » (la rue intérieure). À l'extérieur, il crée un paysage composé de vues en « séquences panoramiques », ponctuées de tours isolées (9) (V. Séquence panoramique). La séparation radicale des circulations automobiles et piétonnes a donc produit la ville des tours et des « grands ensembles » (les hauteurs des immeubles peuvent atteindre 90 m), dans lesquels la rue n'existe plus. Depuis les années 1970, à la suite de la critique unanime de l'architecture de tours et de barres, on revient à la rue comme espace multifonctionnel, porteur de valeurs diverses telles que convivialité, sécurité, tradition. De même, ont été abandonnées dans les lotissements de maisons individuelles, les dispositions d'une circulaire ministérielle imposant une largeur de voie de 8 m, surdimensionnée au regard de l'usage de desserte des immeubles.

Depuis, une gamme de solutions est proposée.
En 1973, la rue du Gros-Horloge à Rouen est aménagée en rue piétonne (B). 
En 1991, L. Krier prône un retour à la rue pittoresque à travers son projet à Poundbury en Angleterre (C).
En 1995 à Paris, Ch. de Portzamparc reprend le principe de l'îlot modulable de Cerda avec le concept de la « rue ouverte "bordée" d'îlots libres » (D).
On redécouvre d'autres formes de rues, notamment, la cour urbaine (E) et les rues à arcades (F).

Différentes typologies de rues peuvent coexister, qui concilient la promenade du piéton avec un usage réglementé du véhicule, ce qui implique une action de transfert du stationnement des véhicules et un traitement de l'espace rue plus accessible à tous. Enfin, la recherche du pittoresque, qui rend la ville plus agréable, se réalisera par la création de fenêtres urbaines vivantes.



V. ALIGNEMENT, AVENUE, BOULEVARD, CARREFOUR, CHAUSSÉE, COUR, FENÊTRE URBAINE, ÎLOT, SÉQUENCE VISUELLE STATIONNEMENT, TROTTOIR, VOIE URBAINE.

Source: Arturbain.fr
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