« L’approche fondée sur l’étude de la trame foncière est inséparable […] d’une politesse élémentaire à l’égard de l’espace hérité et des Hommes qui l’habitent. »
Gerald Hanning
Trame: Structure géométrique d’un réseau, spécialement à mailles perpendiculaires (par analogie avec un tissu). « Maillage des voies qui s'applique sur le réseau des grandes circulations pour déterminer les îlots, groupes d'îlots » (Encyclopédie Grand Larousse).
Foncier: Relatif à un fonds de terre, à son exploitation, à son imposition (Dictionnaire encyclopédique universel), ici à son parcellaire et aux éléments fixes qu’il porte.
La trame foncière est l’interprétation graphique de la géométrie de l’occupation humaine du sol. Sa représentation est un instrument d’analyse et de connaissance. C’est en même temps un outil d’aide à la composition du paysage urbain et rural.
La trame foncière a été inventée en 1962 par Gerald Hanning (1919-1980), Bertrand Warnier et Jean Coignet, puis développée avec Paul Checcaglini et Annick Jaouen à l’IAURP (Institut d’aménagement et d’urbanisme de la Région parisienne). En s’appuyant sur l’étude de la trame foncière, Gerald Hanning avait conçu un plan de composition urbaine qui figure dans le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la Région d’Île-de-France (SDAURIF) de 1976. La trame foncière est utilisée par de nombreux urbanistes, notamment de l’IAURIF, mais aussi de « villes nouvelles » (B. Warnier à Cergy-Pontoise) ou privés (J.-F. Revert).
La parcelle est la maille élémentaire d’un territoire occupé sédentairement par l’Homme. Le parcellaire, ensemble des parcelles, pave entièrement l’espace. L’étude de l’agencement de celles-ci et des objets inscrits sur le sol fait apparaître une géométrie dominante, dans un rapport étroit avec le relief (lignes de plus grande pente et courbes de niveau, crêtes et thalwegs). Majoritairement agricole à l’origine, cette trame a perduré à travers l’urbanisation progressive, la rémanence de cette géométrie assurant la cohérence du paysage. De nombreuses villes se sont inscrites dans un parcellaire déterminé par l’usage agri- cole (1) et encore visible dans le parcellaire actuel (2).
D’autres tracés, plus volontaires, sont apparus au cours de l’Histoire : colonisation en quadrillages réguliers (centuriations romaines, cadastre de Jefferson aux USA), urbanisations selon des tracés régulateurs (villes romaines, bastides médiévales, villes neuves du XVIIe siècle), tracés « seigneuriaux » (allées forestières, perspectives, routes royales). Ces derniers, particulièrement présents en Île-de-France, constituent une partie de son patrimoine culturel. En général, ces tracés volontaires rectilignes tenaient compte du relief et ont été raccordés à la trame foncière agricole.
Au XIXe et surtout au XXe siècle, l’évolution des techniques et les doctrines du Mouvement moderne introduisent une césure : les tracés mécaniques (chemins de fer, autoroutes) sont souvent sécants par rapport à la trame d’origine ; les remembrements, agricoles ou urbains, l’effacent ; les grandes opérations d’urba- nisme (« villes nouvelles », « grands ensembles », zones d’activités) s’affranchissent du parcellaire d’origine, voire souvent du relief, s’organisent suivant les orientations solaires ou à partir de leurs limites (3/4).
C’est cet ensemble de tracés différents, souvent mêlés, qui constitue la trame foncière, dont la connaissance apparaît indispensable pour intervenir sur l’aménagement en permettant son inscription dans la géométrie dominante du site.
L’étude et la connaissance de la trame foncière s’inscrit dans un devoir de mémoire et le respect d’un héritage. Elle permet de mieux appréhender le rapport fondamental du site avec le relief, de mettre en relation les divers éléments qui le composent en intégrant ses valeurs physiques et hu- maines. Ainsi, on peut créer une nouvelle structure spatiale en cohérence ou en continuité avec l’ancienne, ou bien dans une rupture composée.
La trame foncière aide à introduire un aménagement qui passe par la compréhension de la structure en place et « met en relation, dans une même représentation graphique, des données géomorphologiques, hydrauliques, végétales et bâties ». Elle permet une cohérence entre les informations saisies à différentes échelles.
La trame foncière a été utilisée pour expliquer l’orga- nisation de sites déjà urbanisés (Paris VIIe et XVe, quartier des Ruffains à Romainville). Elle a aussi servi d’outil d’aide à la conception de projets d’aménagement sur des sites déjà très urbains (centres de banlieue), intermédiaires (Vitry, Mareil-Marly, Fourqueux, Saclay) ou peu découpés au départ (Cergy, Agadir, Le Caire).
L’étude du plateau de Vitry nous permet de distinguer les phases de la mise en évidence d’une trame foncière.
(5) A. La carte topographique (1/25 000) permet de repérer le périmètre d’étude de l’opération, de noter la juxtaposition des aménagements qui le composent et l’occupation du sol.
B. Ces éléments permettent de tracer la trame foncière du site d’ensemble. La mé- thode s’appuie sur un repérage par croix des angles de parcelles et des objets de surface et la mise en évi- dence des alignements qu’ils forment.
C. La lecture du plan parcellaire (1/ 10 000) confirme ici à l’évidence une structure géométrique du paysage : parcelles longues orientées selon les lignes de pente et les crêtes.
D. La photographie aérienne confirme l’existence de cette géométrie et montre que les éléments inscrits sur le parcellaire (bâtiments, clôtures, plantations, etc.) s’inscrivent dans cette géométrie et participent à la cohérence des « lignes de force » du paysage.
E. La trame foncière locale peut ainsi être tracée à une échelle plus détaillée.
L’exemple de l’étude réalisée sur le plateau de Saclay (6) nous permet de constater que la trame foncière peut guider l’intégration d’aménagements futurs dans une organisation respectueuse du site. Elle évite les effets per- vers des opérations conçues comme des îles, déterminées par leur seul périmètre.
Il est donc préconisé d’enseigner l’étude et la prise en compte de la trame foncière dans les écoles d’ingénieurs, d’architectes, de paysagistes, d’urbanistes ou de géographes, et il est recommandé à chaque maître d’ouvrage de prescrire une étude de trame foncière dans tout projet (urbanisation, infrastructure, reboisement, etc.) qui transforme le paysage.
V. CADASTRE, CLÔTURE, ÉCHELLE, ÎLOT, LOTISSEMENT, PARCELLAIRE, PERSPECTIVE, PLAN DE MASSE, PLAN DE PAY- SAGE, TRACÉ RÉGULATEUR, VOIE URBAINE.
Source: Arturbain.fr
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