« Mais allons au fond des choses : l'urbanisation proliférante périme le concept même de "ville" puisque, remplacée par l'agglomération et la conurbation, la ville a cessé d'exister. [...]Si l'on suppose une certaine pérennité des moyens de transports actuels, si l'on se refuse à gaspiller les routes et voies ferrées disponibles, si l'on tient compte de l'urbanisation qui tend à contester le principe de centralité unique, il ne fait aucun doute qu'elle se trouve dans le traitement judicieux des noyaux urbains. [...]La solution "noyaux urbains" rencontre cette tendance très forte selon laquelle, dans notre société, on recherche volontiers une résidence à l'écart des centres urbains pourvu qu'on puisse facilement les atteindre quand le désir ou le besoin s'en font sentir. »R. Auzelle, Clefs pour l'urbanisme
Centralité :
La centralité est « la propriété conférée à une ville d'offrir des biens et des services à une population extérieure », définition que W. Christaller propose en 1933 dans La théorie des lieux centraux (1). Le concept s'est généralisé et étendu pour caractériser tout lieu d'offre de service polarisant une clientèle. Manuel Castells en 1972 signalera que « la centralité est la combinaison à un moment donné d'activités économiques, de fonctions politiques et administratives, de pratiques sociales, de représentations collectives, qui concourent au contrôle et à la régulation de l'ensemble de la structure de la ville ». Il part de l'idée que le centre doit rassembler les fonctions centrales économiques, politiques et idéologiques. Satisfaire ces besoins suppose l'interconnexion de lieux géographiques par les réseaux de transport et de télécommunication. L'évolution de l'urbanisme part de la centralité unique d'une ville « pour aboutir aux noyaux urbains de l'agglomération » (R. Auzelle).
« Elle dépend du pouvoir d'at- traction ou de diffusion de cet élément qui repose à la fois sur l'efficacité du pôle central et sur son accessibilité. L'élément peut être un centre urbain, un équipement polarisant plus spécialisé (centre commercial, culturel, fi- nancier, administratif, etc.). L'accessibilité est une condition majeure. » (F. Choay)
Le forum romain, né au carrefour du cardo maximus et du decumanus maximus, accueillait toutes les activités publiques et religieuses.
L'urbanisme médiéval est caractérisé par « la constitution de villes dont toutes les lignes convergent vers le centre, et le contour est généralement circulaire ». C'est le système radioconcentrique, composé d'un élément d'attraction, l'église, le château, la halle, le marché ou l'hôtel de ville, autour duquel la ville étend son attractivité dans un rayon de quinze km sur l'espace rural.
La France a vu ainsi son territoire maillé de petites villes. À l'époque du haut Moyen Âge, l'île de la Cité, avec la cathédrale Notre-Dame (5), représentait la centralité.
À la Renaissance, le centre de la ville était toujours représenté par une place, carrée, rectangulaire, polygonale ou circulaire.
À l'époque de Louis XIV, la centralité de Paris se dédouble avec le déplacement de la cour du roi à Versailles qui devient le lieu du pouvoir absolu.
À la fin du XIXe siècle, la construction des gares en périphérie de la ville crée un nouveau centre d'attraction et d'échanges de personnes, qui se développe autour du quartier de la gare en liaison avec le centre-ville. L'avenue de la gare et la place de la gare seront les espaces publics majeurs de représentation de cette centralité. En 1898, l'Anglais Ebenezer Howard propose une réforme politique, économique et sociale représentée par la cité-jardin, qui constitue le module de base d'une métropole, « social-city » (2).
L'évolution de notre société urbaine vers l'agglomération implique une multiciplicité de centres urbains. Ainsi le modèle radioconcentrique de Groer (1936) (3) est plutôt lié à la ville pré-industrielle où le système des transports est encore peu développé.
Figure N°03- CROQUIS DE GROER, 1936 |
La ville s'étend ensuite selon les lignes de communications, voies d'eau, routes, voies ferrées, créant des situations favorables d'accessibilité et favorisant le regroupement de certaines activités. Ainsi est apparu en 1947 le modèle polycentrique de Abercrombie (4).
Les « grands ensembles » (15), dénommés « cités dortoirs », répondant au seul besoin de logements, construits en périphérie des villes anciennes, ne diposaient pas lors de leur construction, dans les années soixante, des qualités de la centralité.
La création des «villes nouvelles», en 1965, fut une des solutions envisagées par l'État pour répondre au problème de développement urbain des grandes régions françaises. Celles-ci, construites à l'intérieur d'un périmètre déterminé, organisées autour d'un centre nouveau, devaient voir s'étendre leur zone d'influence aux bourgades alentour dans une fonction structurante. Chaque ville nouvelle, selon son histoire, ses stratégies de programmation et ses choix politiques, a essayé de répondre à sa manière aux besoins de centralité exprimés par ses habitants : Évry avec l'Agora (7), Cergy Pontoise avec la préfecture (6), Saint-Quentin-en-Yvelines avec la halle de Philippe Deslandes (11) ont regroupé une partie de leurs activités sur un lieu central fort autour d'un équipement de référence.
La « ville nouvelle » de Marne-la-Vallée est structurée sur un axe avec des centres-gares (9).
Depuis, l'implantation des grands équipements, aéroports, gares, centres commerciaux, bureaux, stade de France (14), a généré de nouvelles centralités. R. Auzelle a pu écrire que « le prestige de l'aéroport d'Orly (8) et l'intérêt de ses techniques, l'animation presque perpétuelle qu'il suscite, la rêverie qu'il procure, tout cela contribue à attirer la population d'une banlieue ». Cet aéroport inspira également Gilbert Bécaud dans la chanson Dimanche à Orly.
Les gares d'aujourd'hui représentent des équipements multifonctionnels précurseurs, avec leurs restaurants rapides, leurs galeries marchandes. La gare du Nord à Paris (10) voit l'espace commercial faire partie intégrante de l'équi- pement.
Les centres commerciaux, tel celui de Val d'Europe à Marne-la-Vallée (13), sont localisés selon la logique de flux des personnes, des véhicules et d'échanges économiques. Ils sont cons- truits autour du commerce de grande distribution ; se greffent à eux d'autres ser- vices et équipements publics comme à la Défense (12).
Enfin, comme le signale J.-C. Gallety, la « centralité » doit s'appuyer sur de bonnes fonctionnalités mais aussi sur l'image, le bien-être et le plaisir visuel. Faire centralité, c'est travailler sur l'agence- ment harmonieux des espaces et le respect de l'envi- ronnement. Cela passe par la qualité de l'architecture, de l'espace public et du paysage. La « logique de scène » doit devenir une préoccupation majeure des maîtres d'ouvrage pour que la centralité soit synonyme d'Art urbain.
V. CITÉ-JARDIN, CENTRE-VILLE, GALERIE, GARE, PLACE PUBLIQUE.
Source: Arturbain.fr
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