« Le grand khan possède un atlas où toutes les villes de l'Empire et des royaumes limitrophes sont dessinées […]. L'atlas a cette qualité : il révèle la forme des villes qui n'ont pas encore de forme ni de nom... Le catalogue des formes est infini : aussi longtemps que chaque forme n'aura pas trouvé sa ville, de nouvelles villes continueront de naître. Là où les formes épuisent leurs variations et se défont commence la fin des villes. »
Italo Calvino, Les villes invisibles« Donner forme à la ville, c'est lui imprimer une certaine composition, un jeu des vides et des pleins dans l'espace construit, c'est aussi créer des représentations qui en rendent compte ou qui idéalisent la forme. »Denise Pumain, Dictionnaire de la ville et de l'urbain
Forme urbaine: du latin forma, moule, type, image, et de urbs, ville.
La forme urbaine est représentée par un plan-masse, des coupes et par des vues permettant de qualifier leur aspect à différentes échelles, associées à des indicateurs quantitatifs et qualitatifs (1/2/3).
La forme urbaine peut être définie comme le rapport entre le bâti et les espaces libres à l'intérieur d'une agglomération ou de différents types d'ensembles urbains (quartier, rue, avenue, place), selon des articulations et des dispositions spécifiques aux contextes sociaux, historiques, politiques, géographiques, etc.
Bien que P. Lavedan l'ait isolée dès 1926 (Introduction à une histoire de l'architecture urbaine), l'expression « forme urbaine » apparaît dans les années 1960-1970 avec les études typologiques des italiens S. Moratori et C. Aymonino. La complexité de la notion tient tant à sa polysémie qu'à la pluridisciplinarité que réclame son étude. De nombreux chercheurs regrettent l'absence d'une définition rigoureuse, tandis que d'autres s'accordent sur l'idée que la « forme urbaine » sert d'instrument de description et d'analyse de la ville.
La forme urbaine est constituée d'éléments (rues, îlots, quartiers, etc.) et de niveaux (site géographique, division parcellaire, réseau viaire, trame foncière, etc.). Elle s'inscrit dans l'histoire (évolution « sur place ») autant que dans la géographie (évolution « dans l'espace »). La ville devient le résultat d'une juxtaposition et/ou d'une superposition des fragments urbains aux formes hétérogènes (4). Pour la compréhension des formes urbaines, les approches synchronique (étude de périodes morphologiques) et diachronique (connaissance des règles de transformation de cette forme) sont indissociables.
À l'âge de fer (vers 1100 avant J.-C.), les oppidums (fortifications sur un lieu élevé (5)) témoignent déjà d'une organisation de l'espace urbain. Le plan de ville est régulier, les habitations sont réparties en îlots plus ou moins rectangulaires, en rangées le long des remparts.
En Asie Mineure, quelques villes sont (ré)aménagées selon le plan imaginé par Hippodamos de Milet. Pourtant, des variations, liées aux caprices du site, donnent à chacune de ces villes un caractère propre. (V. Îlot, Voie urbaine). Dès le Ier siècle avant J.-C., lors de la conquête de la Gaule, les Romains adaptent la structure du plan quadrillé aux villes existantes (Nîmes, Limoges). D'autres villes voient le jour selon le modèle du camp militaire, au tracé géométrique et rationnel (Lyon, Narbonne).
Au Moyen Âge, les villes s'étendent sur les fondations gallo-romaines. La population urbaine explose, la ville fortifiée, le bourg, est trop étroite, on construit hors-les-murs les faubourgs, que l'on protège par de nouvelles enceintes (évolution radioconcentrique) (6). Le tissu urbain y est dense et irrégulier. L'époque est marquée par le microparcellaire et les constructions en hauteur, dont la tendance est l'ho- mogénéité et non l'unifor- mité.
Entre le XIIe et le XIVe siècle, de nombreuses villes neuves sont fondées : environ cinquante circulades, comme Bram (7), et cinq cents bastides, telle Montpazier (V. Centre-ville).
La Renaissance est marquée par la volonté d'intervenir sur les formes urbaines sans détruire le préexistant. De nombreuses villes ont conservé dans leur centre un tissu médiéval (Strasbourg, Angers, Rouen (8)). Inspirés à la fois par la pensée humaniste et néo-classique, les architectes embellissent les villes dans un souci d'harmonie et pour le bonheur des citadins : « La cité ne doit pas se faire seulement pour la commodité et nécessité des logis mais aussi doit être disposée en sorte qu'il y ait de très plaisantes et honnêtes places » (L. B. Alberti, De re ædificatoria, 1452).
Entre 1660 et 1700, les villes fortifiées selon les plans de Vauban correspondent à une nouvelle forme urbaine (V. Plan-relief). La révolution industrielle entraîne une croissance urbaine sans précédent. Le noyau médiéval devient trop étroit, la ville est marquée par le désordre, l'incohérence et la ségrégation, autant que par les problèmes d'hygiène et de circulation. Inspiré par des hygiénistes, Haussmann fait réformer le réseau viaire, étend la ville et prévoit un programme d'équipements et d'embellissement des espaces publics. Les nouveaux îlots, très denses, possèdent une unité de hauteur et d'esthétique.
Importées d'Angleterre, des cités-jardins et autres cités ouvrières voient le jour. À l'origine constituées de maisons, elles évoluent vers des cités d'immeubles collectifs annonçant paradoxalement, comme l'écrit R. Allain, « grands ensembles » et « villes nouvelles » (Morphologie urbaine, p. 43) (Châtenay-Malabry, Stains) (9).
Après la Première Guerre mondiale, les théories du Mouvement moderne et de la Charte d'Athènes (1933) conduisent à l'industrialisa- tion des formes urbaines (10) qui provoque leur uniformisation et condamne la ville ancienne. Cependant, l'exemple du quartier des États-Unis (1919-1933) de l'architecte Tony Garnier (1869-1948), considéré comme un précuseur du Mouvement moderne, tient une place à part pour la qualité des espaces collectifs et la hauteur moyenne des habitations (12).
Après la Seconde Guerre mondiale, la reconstruction des villes interroge les urbanistes : faut-il reconstruire selon les anciens tracés, faire rupture par la tabula rasa ou alors prendre en compte de nouvelles réalités urbaines, comme l'a tenté Lurçat à Maubeuge (13) ?
Cette époque voit apparaître les « grands ensembles ». Ainsi, l'expansion de Toulouse se fait loin de la ville ancienne : le quartier du Mirail, dessiné par l'urbaniste Candilis, élève de Le Corbusier, est construit à quatre km du centre-ville (11).
Au début des années quatre-vingt s'exprime une réaction aux « grands ensembles ». Les transformations radicales des villes cessent, on redécouvre les vertus des tissus anciens.
Les opérations d'habitations pavillonnaires se développent autour de toutes les agglomérations (V. Lotissement).
En France, ces dernières années sont marquées par :
-les programmes de rénovations et de réhabilitations urbaines (environ sept cent cinquante quartiers classés en zone urbaine sensible) notamment des « grands ensembles » et des lotissements pavillonnaires des années soixante-soixante-dix (14).
-la recherche de nouvelles formes urbaines pour de nouvelles urbanités (écoquartier et opérations HQE, habitats intermédiaires et lotissements denses, etc.) (15). V. Concours international 2007 arturbain.fr : « Reconsi- dérer le lotissement ».
V. CENTRE-VILLE, CITÉ- JARDIN, CLOSE, ÎLOT, LOTISSEMENT, PARCELLAIRE, PLAN-RELIEF, QUAR- TIER, TRAME FONCIÈRE, VOIE URBAINE.
Source: Arturbain.fr
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