Cimetière: Définition de l'Art Urbain

La rédaction
« Mes chers amis, quand je mourrai,
Plantez un saule au cimetière,
J'aime son feuillage éploré [...]. »
Alfred de Musset, Lucie
« Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes [...]. »
Paul Valéry, Charmes, « Le cimetière marin »

Cimetière : n. m., du latin cœmeterium et du grec koimêtêrion, « lieu où l'on dort ».
Terrain généralement béni, le plus souvent clos de murs, dans lequel on enterre les morts. « Chaque pays entretient une idée du cimetière qui lui est propre, et il est frappant de constater que les cimetières diffèrent davantage d'un pays à l'autre que les autres types d'aménagements » (F. Choay).
Synonyme poétique : champ des morts.

Depuis longtemps, les hommes ont voué à leurs morts un culte qui a pris différentes formes suivant les pays et les civilisations.

Durant l'Antiquité, l'inhumation se généralise en Europe. Pratiquée à l'extérieur des villes, les sépultures bordent les routes qui conduisent aux cités, comme le long de la voie Appienne à Rome (1), ce qui n'empêche pas les commerçants de s'installer entre les mausolées et les caveaux.

Au Moyen Âge (476-1453), l'interdiction par l'Église d'incinérer les cadavres oblige au recours systématique à l'inhumation. Les défunts sont enterrés d'abord dans les églises puis, la place manquant, autour de celles-ci. Le cimetière est constitué de charniers ; il est aussi un lieu public ouvert où se tiennent diverses manifestations. Sous Philippe Auguste (1180-1223), les premières clôtures apparaissent mais le cimetière perd son aspect de place publique. En Bretagne, on trouve les cimetières dans des enclos « paroissiaux » (3).

Puis, à la suite de l'essor démographique, les cimetières se trouvent peu à peu enclavés dans le tissu urbain. Les terrains se raréfiant, les édifices privés empiètent sur l'espace religieux. À Paris, le manque d'hygiène publique, lié à cette promiscuité avec la cité, conduit le Parlement à ordonner, en 1765, la suppression des cimetières intra-muros et la création de huit nécropoles autour de la capitale et des enceintes ; le vieux cimetière des Innocents est évacué en 1785 (2).

Le siècle des Lumières, face à la nécessité de création de nouveaux cimetières hors des villes, voit apparaître des projets d'architectes visionnaires comme Boullée ou Claude-Nicolas Ledoux (4) qui repensent le cimetière d'une manière tout à fait futuriste. La Révolution marque une étape fondamentale dans l'histoire des cimetières français, procédant à leur sécularisation. Le décret du 23 Prairial an XII (juin 1804) constitue la première charte des cime- tières ; il fixe des dispositions toujours valables de nos jours. Le cimetière est désormais placé sous l'autorité exclusive du maire et devient le lieu obligatoire des sépultures.

Le XIXe siècle fait du cime- tière public une institution culturelle, en même temps qu'un lieu d'apaisement et de promenade. La volonté d'honorer les défunts s'exprime à travers une architecture funéraire sentimentale, empreinte de deuil et de romantisme (5). Les cimetières de l'époque reflètent également une certaine image de la ville moderne : conçus selon un modèle orthogonal, ils offrent d'évidentes similitudes avec le lotissement ; les axes hiérarchisés doivent permettre la circulation des convois. Du cimetière urbain se dégage donc une certaine monotonie, avec laquelle tranche souvent l'aspect hétéroclite des monuments individuels. 
L'urbanisation se développant, les cimetières intègrent de nouveau la ville, sans que le législateur puisse cette fois les en exclure.

Le XXe siècle se caractérise par une désaffection à l'égard des défunts, et même une occultation de la mort. L'agencement du cimetière est purement fonctionnel, standardisé, sans esthétique d'ensemble, mis à part certains cimetières méditerranéens comme celui de Gairault à Nice, étagé sur la pente entre le château et le rivage. Le cimetière de Thiais est un exemple de la rationalisation qui préside à la conception des nouveaux cimetières. Robert Auzelle résume : « Il s'agit, pour les collectivités, d'inhumer le maximum de corps, dans le minimum de terrain, avec le minimum de frais. »

Des études de cimetièrestours et autres cimetièresparkings ont même parfois mené à des constructions... Poursuivre dans cette voie ne nous semble pas souhaitable. Des réalisations plus intéressantes ont en effet vu le jour. Les réalisations les plus innovantes sont l'œuvre d'architectes et de paysagistes anglo-saxons et scandinaves. Le cimetière-parc (d'origine américaine) est conçu comme un jardin public où toutes les tombes sont dispersées dans une nature reconstituée, au milieu de larges surfaces gazonnées ; les cimetières militaires reprennent largement, en les systématisant, ces principes (6). Le cimetière paysager, quant à lui, est une formule originale qui ne répond à aucune règle de composition préétablie, sinon celle de dégager des « paysages » agréables aux formes très libres ; on est ici à la frontière de la notion de jardin thématique. 
De remarquables exemples en Europe gagneraient à être imités (8). D'ailleurs, malgré les contraintes économiques et la pression foncière, le cas des cimetières groupés de Neuilly et Puteaux à Paris-la Défense démontre qu'il est toujours possible de rendre plus beau un simple parterre de tombes (7).

En France, des pistes de recherche ont été défrichées (les « nécropoles nouvelles » des années 1930-1950). On peut citer le cas exemplaire du cimetière intercommunal de Clamart (9). Conçu par Robert Auzelle dès 1947, il répond à une véritable volonté d'aménagement à l'échelle de l'agglomération. Il se propose de conserver des qualités esthétiques en évitant les constructions aberrantes. Initialement, Robert Auzelle avait prévu un « ossuaire nécrologe », vaste édifice destiné à la mise en terre des morts de toutes les religions.

Quel cimetière pour demain ? L'incinération, alternative écologiste qui ne cesse de se généraliser en France, modifiera les conceptions traditionnelles des espaces mortuaires. Cependant, les professionnels de l'art funéraire ont su adapter leur travail à ces changements, proposant notamment de nouveaux objets destinés à recevoir les cendres des défunts. 

Produire pour demain des cimetières propices à la méditation, au recueillement et à la réconciliation de toutes les religions (10) où la nature serait l'élément constitutif majeur à l'échelle de l'agglomération (dans les ceintures vertes) ou du village et où l'expression artistique pourrait, à travers l'art funéraire, trouver à évoquer nos chers disparus semble être l'enjeu le plus important.



V. CEINTURE VERTE, CENTRE-VILLE, CIMETIÈRE-PARC, CLÔTURE, JARDIN PUBLIC, JARDIN

Source: Arturbain.fr
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