Front bâti: Définition de l'art urbain

La rédaction
" Rien ne bougeait au front des palais.", RIMBAUD, Les Illuminations, Aube.

" Nul ne peut faire bastir sur front de rue sans prendre l'alignement de la justice.", Nouv. Const. Gen Tome 2, p. 1088, Dictionnaire Littré, p. 1921.

Front bâti 
Du latin "frontis", qui désigne l'étendue que présente le devant de certaines choses. Le front bâti dans les villes désigne l'alignement des façades principales des immeubles donnant sur l'espace public. On désignera communément le front d'un fleuve, de mer, de bois, ou de montagne, de plaine ou encore le front de place, de rue

Le temple d'Hatshepsout, XVIIIème dynastie, se compose en front de montagne (1). Il constitue aussi un front de plaine monumental.

Avec leurs murailles ponctuées de tours, les villes, jusqu'au Moyen Âge, disposent de fortifications qui constituent un front continu destiné à assurer la sécurité des habitants (2) 

La Renaissance voit apparaître les fenêtres qui s'ouvriront sur l'espace public à l'intérieur des villes. Des servitudes d'ordonnancement règleront l'alignement des façades. A Paris, par mandatement du 14 Mai 1554, Henri IV ordonne la démolition des maisons hors de l'alignement (Paris Projet n°14, p.24). Les immeubles de la place Dauphine (3), donnant sur la Seine constituent un des premiers fronts bâtis sur le fleuve. Il fut malheureusement, par la suite altéré par diverses modifications.

Venise a su développer des hotels aux façades de marbre, mettant en valeur les fronts de canaux (4) , alors que la plupart des villes moyenâgeuses et par la suite, les villes industrielles, ont négligé le traitement des fronts bâtis sur les rivières. Les lavoirs, les tanneries ou les aires de stockage de matériaux s'installant en bordure de voies d'eau, en fond de parcelle. 

Lyon a su récemment rénover les immeubles en front de Saône (5), pour redonner par la couleur et la mise en lumière une image de grande beauté.

Les immeubles en front de place royale s'ouvrent généralement sur un espace minéral dominé par la statue équestre du roi, point de convergence des regards, telle la place des Victoires à Paris (7). 

En Angleterre, en 1769, c'est le Royal Crescent à Bath (6) (1769). Curieuse époque où beauté urbaine allait de pair avec spéculation.

Les époques impériales resteront célèbres pour l'ordonnancement des immeubles de Paris, créant de magnifiques fronts de rue. La rue de Rivoli (8) voit le front de ses immeubles s'ouvrir sur le jardin des Tuileries.

En 1930, Le Corbusier propose pour Alger le plan obus (9) des immeubles continus à flanc de colline en front de mer venant se superposer sur la trame constituée par les petites maisons à terrasse de la Médina. La ville nouvelle superposée à la ville ancienne n'est pas sans choquer, malgré sa beauté plastique.

La reconstruction en France voit à Royan (10) et à Toulon (11) construire des fronts de mer : immeubles d'habitations avec commerces et portiques en rez-de-chaussée.

En 1960, c'est l'opération dite improprement "Front de Seine" de Raymond Lopez (12) qui illustre les théories du Mouvement moderne. La continuité et l'unité des fronts bâtis traditionnels ne se retrou-vent pas dans ces fronts modernes, comme l'indique J.Belmont : "Rien n'est plus relié à rien". 

A l'inverse La Grande Borne à Grigny ou Les Courtillères à Pantin (13) semblent s'inspirer des formes urbaines du Royal Crescent et du plan d'Alger. Les façades multicolores des immeubles d'Aillaud forment également un front bâti qui s'ouvre sur de grandes pelouses, sortes de squares libres.

En 1970, des immeubles en front de mer tels que Marina Baie des Anges (14) suscitent les premiers combats des protecteurs de l'environnement. A l'inverse, Port Grimaud (15), de l'architecte Spoerry, crée de toutes pièces un paysage d'immeubles provençaux en front de canaux et donne une réponse sensible et intelligente à des besoins touristiques. 
                                     
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La présence en ville d'un espace public naturel ou minéral peut amener des compositions de front bâti ou des créations d'architecture urbaine d'un effet plastique participant à l'embellissement de la ville et à l'affirmation de ses valeurs. Par contre, sauf exceptions (16) , il faut se méfier d'introduire dans la continuité de la séquence d'un front bâti existant des constructions nouvelles qui, par leur forme, leur matière, leur couleur, viennent rompre l'unité de l'ensemble.


V. ALIGNEMENT, PLACE ROYALE, FORME URBAINE, SQUARE.

Source:Arturbain.fr
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